Cet ensemble de couteaux américains des années 1980 est issu d’une collection privée, initiée en 1981. Cette collection témoigne du savoir-faire des couteliers américains, pour la plupart membres de l’American Bladesmith Society, à une époque où il y avait encore peu d’artisans couteliers-forgerons en France.

A de nombreux égards, ces couteaux sont intrinsèquement liés au territoire américain et à l’histoire des Etats-Unis. Certaines pièces exposées sont par exemple des recréations d’objets amérindiens, comme le tomahawk, une petite hache, à l’origine en pierre, qui servait d’arme et d’outil. Le tomahawk avait un rôle symbolique très important dans les relations entre les natifs américains et les nouveaux arrivants, il pouvait se convertir en « hache de guerre » ou en « calumet de la paix ». L’un des tomahawks exposés présente cette double particularité d’être à la fois une hache et une pipe.

D’autres couteliers, comme Rich McDonald, se sont spécialisés dans la reproduction de couteaux de pionniers américains. Le modèle de vie des pionniers, la vie en plein air, est célébré par les couteliers américains qui continuent à fabriquer des couteaux de campements.

Deux types de couteaux reviennent souvent dans cette sélection : les Bowie et les Nessmuk. Il s’agit de modèles « inventés » par deux figures historiques du Grand Ouest américain : James Bowie et George W. Sears, dont le nom de plume était Nessmuk.

James Bowie (1796-1836), pionnier et soldat, joua un rôle très important dans la révolution texane et mourut dans la bataille de Fort Alamo. Réputé bagarreur, il utilisait un grand couteau de chasse, devenu très populaire grâce à ses nombreuses victoires.

Personnage plus pacifique, George W. Sears (1821-1890) était aventurier et écrivain. Adepte des randonnées en canoë, il recherchait le matériel le plus léger. Sa préférence allait vers un trio d’outils adaptés à la vie en plein air : une hachette, un couteau pliant et ce qui allait devenir le couteau Nessmuk. Ce couteau droit, à la lame courte, large et courbée, convient au dépeçage des bêtes ou des écorces.

William Scagel est une autre personnalité d’importance pour les couteliers américains ; ce coutelier du Michigan (1875-1963) est considéré comme le père de la coutellerie du XXème siècle. C’était un homme en marge qui refusait l’électricité et ne réalisait ses couteaux qu’avec des outils manuels et une antique forge. Il utilisait souvent le bois de cerf et le cuir pour le manche de ses couteaux de chasse.

On trouve plusieurs sortes de cervidés aux Etats-Unis, la collection comporte des couteaux dont les manches sont réalisés en bois d’orignal (élan présent au Canada et en Alaska), de cerf mulet (ouest des Etats-Unis), de cerf de Virginie (espèce la plus commune, principalement présente à l’Est des Montagnes Rocheuses).

Certaines essences de bois utilisées ici sont également natives du territoire américain : le bois de fer, une essence très dure qui pousse dans les régions semi désertiques comme l’Arizona et le thuya, conifère que l’on trouve dans la zone nord-ouest des Etats-Unis.

AMERICAN BLADESMITH SOCIETY

Eté 1976. La Knifemaker’Guild, organisation de couteliers, vient de conclure son rassemblement à Dallas, Texas. Cette organisation rassemble de nombreux couteliers, mais bien rares y sont les forgerons. Néanmoins, tous les amoureux du couteau, forgé ou non, s’y retrouvent.

Le show se terminant, quelques amis vont prolonger ce rassemblement en passant plusieurs jours ensemble. William (Bill) Moran, avant de remonter dans le Maryland, va passer quelques jours chez un autre coutelier forgeron, Bill Bagwell, qui lui vit au Nord-Est de la Louisiane. Ce dernier propose à un troisième forgeron, Don Hastings, Texan, de se joindre à eux. Enfin, le journaliste et écrivain Bill R Hugues est également convié. Dans l’atelier, les discussions vont bon train et les quatre hommes regrettent qu’il n’y ait pas d’organisation spécifique au monde du couteau forgé, celui-ci étant peu représenté à la Guild. Bagwell, Moran et Hastings sont tous trois des couteliers qui forgent leurs lames. Bill R. Hugues n’est pas lui-même coutelier, mais un grand connaisseur et collectionneur et lui aussi souhaiterait voir le couteau forgé plus spécifiquement défendu et promu. A cette époque, il y avait aux Etats-Unis moins d’une douzaine de couteliers revendiquant le fait de forger leurs lames. Au fil des discussions, la nécessité de « préserver l’art de la lame forgée » devient une évidence et le principe d’une organisation toute entière consacrée à cette mission apparaît.

Et Bill Moran d’ajouter : « Si on se débrouille bien, on peut avoir jusqu’à 25 adhérents ! ».

Les choses se précisent les mois suivants et aboutissent le 4 décembre 1976 aux statuts fondateurs de l’American Bladesmith Society, qui sont signés par ces quatre protagonistes. Bill Moran est désigné Chairman (Président), Don Hastings Trésorier, Bill Bagwell Secrétaire et Bill R Hugues Directeur.

L’ABS se développe tout doucement. En 1982 se mettent en place les premières reconnaissances du statut de MasterSmith. Les premiers à recevoir leur poinçon MS furent Moran, Hastings et James Schmidt (tous trois décédés aujourd’hui), puis Bagwell.

En 1991, après 15 années à la direction, Bill Moran cède la place à Jay Hendrickson, qui sera suivi en 1995 par Joe Cordova, puis en 1999 par Dr James Batson. Celui-ci cèdera la place en 2003 à Joe Keeslar. Greg Neely qui tient les rênes depuis 2007.

Les 25 adhérents espérés par Bill Moran ont été largement atteints : l’ABS est aujourd’hui riche de plusieurs centaines de membres, dont la grande majorité est évidemment sur le territoire des Etats-Unis mais aussi en Europe (la France compte un mastersmith en la personne de Jean-Paul Thevenot), Afrique, Australie et Asie.